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Entretien avec Rodolphe Montagnier

(partiellement repris dans Le Pays, 27 mai 2021)

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– Comment êtes-vous venu à la photographie ?

Par le dessin d’une part (je dessinais beaucoup quand j’étais enfant) et la peinture d’autre part (en tant que regardant). J’aimais les grands peintres dont mes parents me montraient les œuvres, dans des livres ou des musées. En revanche, je n’étais guère sensible aux photographes les plus connus, donc je trouvais les œuvres sympathiques, ironiques, parfois touchantes, mais, au fond, anecdotiques. Je n’avais pas besoin de « saisir l’instant » dans une scène de la vie quotidienne ou un visage, mais plutôt de représenter des idées. Ce n’est pas la réalité brute qui m’intéresse, qu’elle soit naturelle ou sociale, mais la pensée de cette réalité. Pour moi, la photo n’est qu’une façon différente de faire de la peinture. D’où le fait que je m’interdise pas des mises en scène ni des retouches.

– Certaines photos sont donc retravaillées via l’outil informatique ?

Oui. Je ne vois aucune bonne raison de conserver sur mes clichés une bouteille de plastique ou autres parasites qui traînent dans le paysage, alors que la photo serait plus belle sans de telles verrues. Je photographie une scène que j’estime magnifique et, manque de chance, un touriste passe dans le champ à ce moment, avec sa casquette jaune et son sac-à-dos mauve. Vais-je conserver cela au nom « du réel » ? De même, le personnage (celui que je mets en scène) a une posture qui ne convient pas sur une photo bien cadrée et une posture adéquate sur une autre mal cadrée… je ne vais pas me priver de faire un petit échange. Refuser la retouche est aussi absurde que de renoncer à rectifier une recette de cuisine quand on se rend compte qu’on s’est trompé dans les quantités ou les ingrédients – ça sera mauvais, bien fait pour nous ! Je ne parle pas de photo documentaire, évidemment – la retouche y est une trahison. Je suis plus proche du peintre que du reporter. On ne reproche pas à un peintre de modifier le réel à sa guise.

– Continuez-vous à prendre des clichés ? Si oui, votre thématique a-t-elle évolué ?

Oui, je continue. C’est comme une fièvre qui se déclenche périodiquement. Je ne photographie rien du tout pendant deux ou trois mois, puis je suis saisi par quelque chose, un lieu, une impression. Je fais alors des photos – la crise passe.

Mes thématiques sont toujours les mêmes ; inchangées depuis des dizaines d’années. A savoir, la liberté et tout ce qui la contrarie –déterminismes, contraintes, souffrances, angoisses, folie, impuissance, doutes, mort. Mais aussi tout ce qui la manifeste – volonté, pugnacité, courage, résistance, intelligence, pensée. La façon dont j’illustre ces thèmes varie au fil des ans.

– Y a-t-il des pays ou des contrées où vous souhaitez vous rendre et que vous n’avez pas encore pu parcourir ?

Beaucoup. En particulier les lieux peu accessibles ou dangereux comme l’Antarctique ou le Sahara. Il y a aussi des pays que j’ai sillonné en tout sens, comme les Etats-Unis et l’Islande, où j’ai pourtant envie de revenir, encore et encore…

– Êtes-vous militant ou sympathisant de la cause écologique ?

Tout dépend de ce que l’on entend par là. S’il s’agit de préserver les beautés naturelles et protéger la faune, alors oui, je suis sympathisant. Si je trouvais le temps, je serais même militant. L’enlaidissement du monde et la souffrance animale me révulsent. S’agissant du réchauffement climatique, j’y suis sensible comme n’importe qui s’intéressant aux problèmes de son temps – mais pas comme ceux qui préfèrent les éoliennes, le gaz et le charbon au nucléaire. Quant à l’écologisme courant, il se présente souvent comme une idéologie déconnectée des recherches scientifiques et sans rapport avec les problèmes écologiques bien compris. C’est du moralisme et de la politique avec un faux-nez vert, pourtant enseigné dans les écoles et diffusé partout – car il donne bonne conscience. Cela ne saurait me séduire. Pas davantage l’écologie métaphysique, qui cherche dans la « Nature » des valeurs surhumaines ou antihumanistes – nouvelle forme de religiosité.

Mes photos ont souvent la nature pour cadre, mais jamais comme sujet. D’un point de vue artistique, je m’intéresse à l’homme davantage qu’à la nature. Et encore, seulement ce que je trouve admirable ou remarquable dans la condition humaine.

– Connaissez-vous la région du Forez, de la Loire ?

J’ai pu en visiter une petite partie à la fin 2020, à l’occasion de la préparation de l’exposition. Assez pour avoir envie d’y revenir. Et justement, c’est prévu !

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